mercredi 28 octobre 2009

Alerte du Mouvement européen : le choix du Président du Conseil & la Charte des droits fondamentaux

.Mise à jour du 4 nov. 2009 :
.La candidature de Blair à la tête de l'Europe est révélatrice des dérives de l'Union
par Sylvie Goulard dans Le Monde du 4/11/09

Angela & Nicolas dînent ensemble, ce soir à l'Élysée. Il se dit qu'entre la poire et le fromage, nos deux "amis" pourraient évoquer la future Présidence (stable) du Conseil européen, à la mode du traité de Lisbonne. Tony aurait déjà le soutien de Nicolas. Tandis que le cœur d'Angela balance encore entre Tony et Jean-Claude. Mais d'autres prétendants pourraient venir troubler le jeu...

Le Mouvement européen vient de verser au débat une donnée inattendue, ignorée jusqu'ici mais d'importance. Sous le titre L'Appel de Strasbourg, Sylvie Goulard, présidente du Mouvement européen - et député européen - et Roland Ries, maire de Strasbourg ont cosigné ce communiqué :

Appel de Strasbourg

Le Mouvement Européen – France, réuni à Strasbourg, siège du Conseil de l’Europe, chargé de la défense des droits de l’Homme, notamment de la Cour européenne des droits de l’Homme, ainsi que du Parlement européen, lance un appel solennel.

La Charte des droits fondamentaux constitue le cœur de nos engagements communs.

Il est indispensable que le Président du Conseil européen, réunissant les chefs d’État et de gouvernement de l’Union Européenne, appelé à représenter l’Union Européenne dans le monde, soit issu d'un pays ayant ratifié la Charte des droits fondamentaux.

Sylvie Goulard, Présidente du Mouvement Européen – France et députée européenne
Roland Ries, Sénateur - Maire de Strasbourg


J'avais pris connaissance de cet appel du ME-F la semaine dernière. Mais l'allusion n'était pas très claire... alors j'ai fini par appeler Pauline Gessant, secrétaire générale du Mouvement européen - France, pour en savoir plus. Et Pauline m'a apporté les informations suivantes.

Il existe dans le Traité de Lisbonne, toute une série de protocoles, acceptés par tous les pays ayant ratifié le traité. Parmi eux, un fameux Protocole n°7 qui autorise le Royaume-Uni à se soustraire à l'application stricte de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, sur son territoire.

Dès lors, la question posée entre les lignes par Sylvie Goulard & Roland Ries dans l'Appel de Strasbourg devient plus explicite :

Tony Blair pourrait-il valablement porter et représenter les valeurs de l'Union européenne, alors que la Grande-Bretagne s'exonère de l'application stricte de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, sur son propre territoire ?

En voilà une question qu'elle est bonne... Espérons qu'Angela et Nicolas sauront l'examiner avec toute l'attention nécessaire, ce soir entre la poire et la fromage ou bien le 11 Novembre prochain, sous l'Arc de Triomphe et devant la flamme du Soldat inconnu...

_ _ _

À part ça, notre amie Sylvie a bien d'autres talents que celui de meilleur connaisseur du Traité de Lisbonne... c'est celui de député européen, démocrate s'il vous plait. Et comme député européen, démocrate donc, Sylvie nous offre, chaque mois sur son blog, un excellent résumé de la session plénière du Parlement européen à Strasbourg. En vidéo et en 3 minutes, s'il vous plait :










5 commentaires:

  1. et Sylvie dine avec Roland on dirait.... :)

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  2. "la Grande-Bretagne s'exonère de l'application stricte de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, sur son propre territoire ?"

    C'est Tony qui a négocié personnellement ces dérogations au droit Européen, et c’est pour cela, me semble t-il, que l’Allemagne ne veut pas en entendre parler et que Paris l’a semble-t-il aussi lâché .

    Tu oublies aussi le Tony petit toutou de Bush, donnant la papatte, allant cherche la baballe, aboyant volontairement à la vérité et à son peuple pour aller faire la géguerre en Irak.

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  3. @ Philippe :

    On commence à réaliser que cette affaire de Présidence "stable" pose qq questions inattendues ! Car avec une Présidence "tournante" comme actuellement, personne ne contesterait à la Grande-Bretagne le "droit" de présider alors que... oui, le toutou de Bush... oui, le non ratification de la charte... oui, la non adhésion à l'espace Schengen... oui, l'Euro...
    La Présidence "stable" pose donc des problèmes de politique intérieure tout à fait nouveaux !

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  4. Le diable n'est pas toujours dans les détails. Parfois, il perturbe les choix essentiels, comme en ce moment dans l'Union européenne (UE). Celle-ci n'est pas seulement un grand marché. Les traités successifs n'ont cessé de rappeler les valeurs qui la fondent : la suprématie du droit, la liberté, la démocratie, la solidarité.

    A ce stade de sa construction, dans un monde qui se rétrécit, l'Union doit défendre ses intérêts sans sacrifier ces valeurs : ce n'est pas la gestion conjointe du charbon et de l'acier, pas plus le Marché commun qui ont permis aux Européens de transformer un continent belliqueux en un espace de coopération supranationale sans équivalent. C'est le respect de la personne humaine et la volonté de bâtir une société pacifiée, équitable. Le défi des années à venir consiste à mettre plus de droit et de justice dans la jungle mondiale, conformément à ces valeurs. La tâche est immense, surtout quand le changement climatique s'accélère, quand la raréfaction des ressources aiguise les rivalités.

    Or, au moment de choisir le premier président du Conseil européen, les valeurs européennes semblent soudain secondaires. Il est assez incroyable que le nom de Tony Blair ait circulé. L'homme est brillant, nul ne le conteste ; il "communique" bien mais, des années durant, dans ses discours sur l'Europe à Varsovie, Oxford ou Bruxelles, il a reproché à l'UE de parler au lieu d'agir, de ne pas obtenir assez de résultats ("The EU has to deliver", "l'Union doit obtenir des résultats", a-t-il répété, maintes fois). Nous pouvons donc légitimement le juger non sur ses paroles, mais sur son bilan qui en dit long sur les dérives de l'Union européenne.

    Le chef de gouvernement qui a négocié une dérogation à la Charte des droits fondamentaux n'a pas vocation à être notre porte-parole. Partout dans le monde, l'universalité des droits de l'homme est mise à mal par l'intégrisme religieux et le souverainisme. Le Royaume-Uni a une tradition démocratique qui l'honore, mais les travaillistes britanniques n'en ont pas moins contribué à relativiser les valeurs européennes de façon dangereuse.

    La question n'est pas théorique : le président du Conseil européen sera amené à rencontrer les gouvernants de pays candidats à l'entrée dans l'Union, à discuter avec les dirigeants de grandes puissances qui ne s'embarrassent guère de droits de l'homme. On a vu, la semaine dernière, comment le président tchèque, Vaclav Klaus, a utilisé le précédent britannique pour se dérober à la Charte, non sans mauvaise foi. Le Conseil européen a cédé ; la brèche dans le droit s'est élargie.

    (...)

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  5. (...)

    L'attachement à la paix, aux procédures multilatérales et au respect du droit international n'est pas moins important. Dans le monde entier, Tony Blair reste associé à une expédition militaire hasardeuse, justifiée au nom d'armes de destruction massives inexistantes. Au moment où Barack Obama est revenu sur ces errements, l'Union ne peut pas choisir, pour la représenter, l'acolyte de George W. Bush. Ce serait catastrophique pour notre image à l'étranger. Sans compter les réactions hostiles qu'a suscitées, en Europe même, l'aventure militaire irakienne : non seulement en Belgique, en France ou en Allemagne, mais aussi à Madrid, Londres ou Rome où, en 2003, de grandes manifestations ont rassemblé des centaines de milliers de personnes. Une pétition de plusieurs députés européens, autour de Jo Leinen, député socialiste allemand, insiste à juste titre sur la nécessité, pour le futur président, de jouir de la confiance des Européens.

    Enfin, alors que la régulation des marchés financiers constitue l'un des dossiers les plus épineux du moment, il serait étrange de faire appel au premier ministre qui, des années durant, a encouragé une dérégulation à tout-va. Au Royaume-Uni, des voix fortes se sont élevées pour dénoncer les politiques qui ont mené à la crise actuelle : la reine s'est émue de l'aveuglement qui a généré ces excès. Lord Turner, président de l'autorité de régulation britannique, a déploré l'hypertrophie du secteur financier, le manque de règles et la cupidité érigée en système. Enfin, et ce n'est pas mineur, après avoir promis un référendum pour rejoindre la zone euro, Tony Blair a capitulé devant une presse outrancière. La monnaie unique mérite mieux.

    L'hypothèse Blair semble écartée. Elle a au moins permis de dessiner "en creux" le profil du poste : un homme ou une femme qui a montré, en actes, la vigueur de son engagement européen ; une personne attachée aux valeurs européennes, respectueuse du droit international, favorable à un juste équilibre entre régulation et marché ; une autorité morale capable de rassembler les Européens, de leur redonner confiance dans l'Union.

    Après le choix de José Manuel Barroso, candidat par défaut à la présidence de la Commission, ce second cafouillage doit tout particulièrement nous alerter. Il démontre d'abord que, en dépit de leurs beaux discours, les gouvernants européens actuels sont incapables d'élaborer une vision stratégique de l'Europe et d'en tirer les conséquences en termes de ressources humaines, de moyens financiers ou de respect des engagements mutuels. Ils recyclent des "copains" qui ont perdu leur "job" plus qu'ils ne s'attachent à chercher la personne la plus apte. Ils demandent aux institutions européennes de faire preuve de transparence, mais s'en affranchissent allègrement.

    A moins qu'une autre hypothèse, plus glaçante encore, ne soit exacte : celle de l'acte manqué. Certains, notamment à Paris et Berlin, pourraient d'autant mieux soutenir un Britannique qu'ils se satisfont fort bien d'une Europe intergouvernementale, sans grande ambition, cantonnée à des tâches de gestion économique. Une Europe "à l'anglaise", quelle que soit la personne qui l'incarne.

    Sylvie Goulard est députée européenne (Alliance des démocrates et libéraux pour l'Europe) et présidente du Mouvement européen-France.

    Article paru dans l'édition du 04.11.09

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